JE SUIS. Toute une vie ...
Voilà un projet photographique qui émerge encore de ce que je suis. Il cogite dans ma tête depuis longtemps. Il s’y est reposé. Et puis il a resurgi ardemment. Sans hasard …
Il fait suite au projet « JE SUIS. Sur le fil des émotions … » et « JE SUIS. A nu. ».
Vous comprenez alors que j’aime poser mon regard sur l’être humain dans ce qu’il est. Dans son unicité.
Imprégnée par plus de 30 ans passés dans l’univers de la relation et portée depuis plus de 50 ans par mon élan vers l’humain, j’ai envie de m’arrêter un temps sur ces personnes qui ont fait du chemin … Parce qu’elles me touchent. Profondément.
Ainsi, je pars à la rencontre de celles qui ont plus de 80 ans. Dans leur maison, leur lieu de vie, leur chambre … le cadre qui est le leur. Aujourd’hui.
Au cours des échanges je clique. Sur des instants. Visages. Objets … Tout dépend de ce que chacun « m’offre» pendant cette rencontre. Je m’adapte à chaque situation. Et je suis prête à me laisser surprendre …
Une série "reportage" qui prend sa source dans le temps réel, sans aucune mise en scène.
Entre douce nostalgie et mémoire oubliée
Au fond de ce grand couloir, deux portes. Une allait s’ouvrir. Et finalement deux …
Henry plonge dans son monde d’images figées sur ses écrans, sur ses toiles, dans ses albums. Il remonte dans le temps et dans les montagnes où les chamois grimpent ou se figent parfois sous le coup d’un fusil de chasse. Mais la taxidermie et la sculpture sur bois étaient là pour leur donner une seconde existence …
Lily retrouve sa boite à bijoux. « On garde tout … ». Préparer une valise. Un voyage. Mais vers où ? Avec qui ? Papillon posé là. Puis là-bas. Et s’envole. « J’ai la tête qui s’en va … ». Son regard aussi …
Au loin cet horizon. Volent les avions. Se couche le soleil. Jour après jour. A deux. Ou seul. Ou seule. Et si nous pouvions ne faire qu’un ? Comme un amour en filet à papillon … Sourires.
Mondes parallèles. Mais ensemble.
Et si nous rigolions un peu aussi, hein Henry ?
Maf, le 31 mai 2017
Brouillard sourd …
Les souvenirs sont bien là … Vie professionnelle de « 45 ans « et demi », restaurants, opéras et ce pavillon où « on était bien tous ensemble … ».
Mathilde aime tous ses meubles, tous ses bibelots.
Et la présence de sa fille. Surtout sa présence.
Un mouchoir. Un téléphone. Une télévision. Et un tout petit réveil. Les heures passent. Les jours. Les années.
Laurent l’infirmier passera aussi ce soir.
Tafin, le chat l’accompagne tendrement. Il s’endort avec elle dans sa chambre. Celle qui fut la sienne. La leur le jour de son mariage.
Le temps passe. Lentement. Trop lentement.
Maf, le 1er Juin 2017
Le temps des cerises …
Un instant de mise en confiance entouré d’amis au rendez-vous vésubien et c’était parti pour un petit tour de marché. Impossible de rentrer sans son fromage et ses cerises … Loulou me raconte alors : « Je suis né un 1er juin de … d’une certaine année. L’année suivante, le 1er juin, j’ai marché pour aller attraper des cerises … Alors … ».
Alors nous prenons le chemin de chez lui. Petite halte dans la montée, sur un des murets « toujours plus hauts que les chaises, du coup c’est bien plus facile de se relever ! ». Et Loulou me fait entrer dans sa maison qu’il occupe depuis peu. La sienne a brûlé. Incendie qui a presque tout emporté. Surtout les photos … « C’est dur de ne plus jamais voir les personnes qu’on a perdues … ». Il lui reste, quelques objets en bronze, en bois, des pièces de sa collection de lampes à pétrole et … des pyrogènes qu’il affectionne tout particulièrement … Un passionné de brocante. Il insiste sur la passion oui. « Rien à voir avec ceux qui veulent gagner de l’argent avec ça ». Il aime travailler le bois même si son père n’a jamais voulu qu’il en fasse un métier …
Dans sa cuisine, il me confie le plaisir qu’il a eu lui aussi à faire de la photographie. « Mais comment dire … des photos un peu érotiques. J’aimais photographier la poitrine des femmes. Mais on ne voyait jamais le visage. Alors la première question qu’on me posait quand je les montrais c’était : « C’est qui ? ». Rires.
Il aurait aimé me montrer son camping car. Mais il l’a vendu. Un aménagement soigné et original (table rabattable extérieure fixée sur la carrosserie pour garder le plus de place possible (elle prenait alors, comme disait son père « 1/414 ème » de place).
Des CD de Brassens … « J’écoute et je comprends les paroles ». Allusion à une jeunesse révolutionnaire.
Seul à présent, il faut parfois combattre. La liberté est là. Mais la solitude aussi …
Je repartais, sans trop savoir pourquoi, comme enveloppée de douceur …
Maf, le 6 Juin 2017
Tourbillon d’oxygène …
Yvette me guette sur son balcon. Je ne sais pas encore ce qui m’attend. Elle, le pressent déjà …
Elle m’embarque, bras et fenêtres grandes ouverts dans un véritable tourbillon. Dans sa lumière. Dans sa passion de la vie. De sa famille, de ses amis, des livres, des peintures, des plantes, de la mer, de ma montagne, des oiseaux qui chantent …
Un canevas où s’entremêlent les heureux instants.Peu importe le bonheur perdu. Savourer le fait de l’avoir connu … Et l’instant présent.
Alors que mon appareil photos me perturbe avec ses problèmes techniques, je ne peux que garder ce fil. 100 à l’heure. Je réalise que l’image est secondaire face à mon appétit grandissant de rencontrer cette Autre.
Passion, positivité, respect de l’autre, de soi, sensibilité. Et une tonne d’amour. A en mouiller nos yeux. A nous en couper le souffle …
Maf, le 8 juin 2017
Du silence pour se rappeler ...
Ne déranger personne. Être contente d’être bien entourée. Et rester solidaire des membres de la famille qui ont pu être en difficulté. Les défendre. Les protéger. Être là pour eux. Toujours.
Et surtout … Ne jamais s’inquiéter pour elle quand elle est seule dans son fauteuil dans le coin de sa chambre. Cette chambre qu’elle a dénué de ses objets personnels (meubles, peluches, … ) pour ne pas donner de travail supplémentaire au personnel. Car elle ne s’y ennuie pas.
Elle n’est pas triste, non : « J’ai juste besoin de ce temps. Et de silence … Pour me rappeler des souvenirs … Et il y en a tant … »
Maf, le 23 Septembre 2019
Le présent comme ligne de mire
Comme il était étrange pour Monique qu’une photographe vienne la photographier à son âge ! Et pourtant …
Des histoires, elle en avait tellement à raconter … Alors que dans ses yeux tout devenait simples silhouettes, formes, elle voyait bien défiler les souvenirs. Un défilé oui. Organisé. Rythmé. Raide … Une vie parsemée de cartons, de séparations, … d’évènements qui auraient pu être entendus comme bouleversants pour l'enfant, pour la femme qu'elle était. Pour la femme qu'elle est aujourd'hui. Mais bon … « A l’époque on n’était pas comme ça » me répondait-elle quand je lui laissais entendre que ça avait du être bien difficile …
Elle eut alors peur que je reparte en gardant d’elle une image de « blasée ». Non, non, Monique … Plutôt une pointe d’interrogation sur cette capacité à se distancier des émotions. Et de vivre le présent comme il vient.
En tous cas de me le laisser croire …
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Maf, le 25 Octobre 2019